Tokyo (awp/afp) - Le yen est monté en flèche mercredi, peu avant 21H00 GMT, gagnant brièvement plus de 3%, ce qui a entraîné de nouvelles spéculations sur une possible intervention des autorités japonaises pour soutenir leur devise.

Ce mouvement brutal, qui a porté la monnaie japonaise jusqu'à 153,04 yens pour un dollar, est intervenu dans les dernières minutes avant le fixing, soit 21H00 GMT, heure à laquelle sont fixés les cours de clôture de la journée.

Au fixing, la monnaie japonaise a légèrement reflué, à 154,57 yens pour un dollar, ce qui constitue tout de même une hausse de 2,08% sur la journée, une variation colossale sur ce marché où les fluctuations quotidiennes se limitent souvent à quelques dixièmes de points de pourcentage.

Vers 01H30 GMT jeudi, la monnaie japonaise était cependant déjà retombée à 156,23 yens pour un dollar.

Ce rebond a été plus marqué encore que celui de lundi, qui avait été vu comme le résultat d'une initiative du Japon pour stopper la glissade de sa devise.

Dans les deux cas, les autorités nippones se sont refusées à tout commentaire, le vice-ministre japonais des Finances, Masato Kanda, répétant jeudi matin selon l'agence Bloomberg que les données chiffrées seraient publiées fin mai.

"Plus agressive que lundi"

Fragilisée par une politique monétaire très accommodante, avec un taux directeur maintenu vendredi entre 0% et 0,1% par la Banque du Japon (BoJ), la monnaie de l'archipel était tombée, lundi, à 160,17 yens pour un dollar, son plus faible niveau depuis 34 ans, avant de se reprendre.

"Beaucoup en concluent qu'il s'agit d'une intervention" des autorités japonaises pour défendre leur monnaie, a réagi mercredi Marc Chandler, de Bannockburn Global Forex, après la ruade du yen. "Et elle semble plus agressive que lundi."

L'analyste a souligné que le mouvement était intervenu hors des heures d'activité du marché japonais, ce qui est inhabituel.

Par ailleurs, le sursaut du yen "n'a pas semblé être une réaction" à un événement ou au franchissement d'un seuil, comme celui des 160 yens, lundi, a ajouté Marc Chandler, mais davantage le résultat d'une action programmée.

Pour l'analyste, la mise en orbite soudaine du yen est à décorréler de la communication de la banque centrale américaine (Fed), qui a maintenu inchangé son taux directeur mercredi et dont le président, Jerome Powell, a écarté toute réduction à court, voire moyen terme.

Les autorités japonaises ne communiquent pas, traditionnellement, lors d'une intervention, et ne donnent des éléments que plusieurs jours, voire plusieurs semaines après.

Elles avaient agi en 2022, avec succès, une fois en septembre et deux fois en octobre, mettant plus de 60 milliards de dollars sur la table pour renforcer leur devise.

"Pari"

Outre une intervention directe sur le marché des changes, un pays peut en passer par un relèvement de ses taux pour les rendre plus attractifs auprès des investisseurs étrangers, ce qui contribue à stimuler sa monnaie.

Dans le cas d'économie pauvres en ressources naturelles et matières premières, ce qui est le cas du Japon, les banquiers centraux peuvent être incités à agir pour éviter que la dépréciation de la monnaie ne fasse flamber les prix des importations et dope l'inflation.

Mais lors de sa conférence de presse de vendredi, le gouverneur de la BoJ, Kazuo Ueda, a estimé que l'effet de la faiblesse actuelle du yen sur l'inflation n'était "pas important", pour l'instant, écartant ainsi, de fait, un relèvement du taux directeur pour relancer la monnaie de l'archipel.

L'inflation dans la région de Tokyo est ressortie à 1,8% sur un an en avril, soit sensiblement en deçà des 2,6% annoncés par les économistes, qui attendaient ainsi un chiffre identique à celui de mars.

Pour Marc Chandler, les autorités japonaises ont fait "un pari", mercredi.

"Si le chiffre de l'emploi américain est décevant, vendredi, le ministère japonais des Finances va avoir l'air génial", a anticipé l'analyste au sujet du rapport mensuel sur les créations d'emplois aux Etats-Unis. "Mais s'il est bon, il aura l'air d'avoir été trop agressif."

afp/al