Paris (awp/afp) - Devant la fragmentation du monde induite par les crises géopolitiques en cours, le marché des matières premières - industrielles ou agricoles - est condamné à "attendre et espérer", indique le 38e rapport annuel des matières premières CyclOpe, publié mardi à Paris.

"En 38 ans, depuis le lancement de la première édition de CyclOpe, nous avons connu une montée de l'instabilité et une généralisation du concept des +commodités+", des matières premières soumises à d'énormes instabilités, selon Philippe Chalmin, professeur émérite à l'université Paris-Dauphine qui coordonne les 70 auteurs du guide avec Yves Jegourel, professeur du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM).

"Le passage du stable à l'instable s'est accéléré", a-t-il déclaré lors d'une présentation à la presse. Dans les années 70, il concernait le pétrole ou le minerai de fer, aujourd'hui les prix sont instables pour le gaz, l'électricité et même le fret de conteneur.

Et les "tensions de plus en plus exacerbées sur les marchés" se traduisent par "l'éclatement de bulles", notamment sur le lithium ou l'électricité en 2023, ou "la formation de bulles" sur le cacao, le café robusta ou l'étain, a ajouté M. Chalmin.

Pour Yves Jegourel, "le monde de demain est le monde des métaux de manière très forte", accompagné d'un "changement du rapport de forces entre mineurs et fondeurs, au profit des mineurs".

"Derrière le terme de métal, c'est la ressource de minerai qui devient stratégique" a-t-il ajouté en citant l'énorme OPA en cours du minier BHP sur Anglo American, repoussée par deux fois, visant surtout le cuivre.

M. Jegourel a relevé le rôle grandissant de la Chine en matière de "référence de prix et de gestion du risque de prix sur les marchés" et évoqué une "recomposition des flux" des métaux dans le monde, liée aux sanctions contre la Russie (interdiction d'importation de nickel, de cuivre et d'aluminium russe par les Etats-Unis et le Royaume-Uni).

"Depuis trois ans, nous vivons une fragmentation du monde", a souligné M. Chalmin, évoquant guerres, barrières douanières et "un retour véritable du +grand jeu+, tel qu'il avait existé à la fin du 19e siècle entre les grandes puissances impériales".

Dans ce jeu-là, face à une croissance mondiale "relativement molle", l'appétit chinois pèse sur nombre d'importations, la Russie donne le ton sur le marché du blé. Partout, la tension s'accroît sur les ressources mondiales disponibles, du bois au biocarburant, dans une difficile équation intégrant impact climatique et nécessaire décarbonation.

afp/rp